Préserver les amphibiens de Sologne en luttant contre l'envahissante Grenouille taureau

Direction les étangs de Sologne

De nombreuses espèces d’amphibiens en Sologne

La Sologne abrite de nombreuses espèces d’amphibiens. Parmi l’ordre des Urodelles (tritons et salamandres), on retrouve par exemple la Salamandre tachetée (Salamandra
salamandra), le Triton palmé (Triturus helveticus) et le Triton crêté (Triturus cristatus). La Sologne compte également de nombreux amphibiens de l’ordre des Anoures (grenouilles et crapauds) comme la Grenouille agile (Rana dalmatina), le Crapaud commun (Bufo bufo) ou encore le Crapaud calamite (Epidalea calamita) pour ne citer que ces espèces.
Afin d’éviter leur déclin, le CDPNE veille à préserver les mares, étangs et zones humides, informer tous les acteurs impliqués dans leur gestion et sensibiliser le grand public à l’importance de préserver les amphibiens et leur habitat.
Cependant, l’une des menaces principales pesant sur les grenouilles et salamandres de Sologne est la présence des espèces exotiques envahissantes comme lla Grenouille taureau.

Une espèce exotique envahissante

La Grenouille taureau est une espèce exotique envahissante. Cette expression désigne des animaux ou des végétaux introduits par l’Homme, accidentellement ou délibérément, hors de leur aire de répartition naturelle, et dont la présence ou la dispersion menace les écosystèmes.
94 espèces exotiques envahissantes (EEE) sont rencensées en France métropolitaine (IPBES, 2022). À l’échelle mondiale, on dénombre 3 500 EEE, lesquelles sont co-responsables de 60 % des extinctions d’espèces.
Bien que la prévention soit l’option la plus efficace pour éviter l’arrivée d’une nouvelle espèce exotique susceptible d’être envahissante, il est parfois trop tard. Il faut alors freiner la reproduction et la propagation de l’EEE détectée, avant qu’elle n’occasionne des changements irréversibles dans son nouvel environnement.

Identifier les lieux colonisés

Originaire d’Amérique, la Grenouille taureau est détectée en Sologne depuis 2002. Elle menace les espèces locales de 3 façons :

• prédation,
• compétition pour les ressources alimentaires ou l’habitat,
• transmission de maladies.

La détection des individus, le contrôle et l’éradication des populations est donc indispensable à la préservation des espèces indigènes.
L’identification de lieux colonisés par les Grenouilles taureau se fait visuellement, en explorant les points d’eau, ou bien en enregistrant et en analysant les coassements-meuglements des amphibiens d’un lieu donné. Des méthodes plus sophistiquées peuvent être utilisées comme l’analyse de l’ADN environnemental (ADNe) contenu dans un échantillon d’eau. Cette méthode permet de détecter tous les stades aquatiques.

Une fois l’intru détecté, plusieurs méthodes permettent d’éviter sa propagation : prélèvement des pontes, des têtards, installation de barrières anti-dispersion des juvéniles, régulation des adultes par tirs sélectifs.

Jusqu’à 2 sessions de détection menées tous les ans

Les fonds versés par Beauval Nature depuis 2010 ont permis de financer l’achat des kits d’ADNe. Plusieurs sessions de détection de la Grenouille taureau ont été menées par l’équipe de Beauval Nature en partenariat avec le CDPNE :

• À la mi-juin : au moment du pic de reproduction de l’espèce, des prélèvements d’eau sont effectués sur les étangs situés en périphérie de la zone colonisée par l’espèce. La campagne de prélèvement dure quelques jours et les échantillons sont envoyés à un laboratoire français pour l’analyse. Après 1 mois, les résultats sont disponibles et les actions peuvent être mise en place sur le terrain en fonction des étangs revenus positifs à l’ADNe de Grenouille taureau.
• Entre juin et septembre : des enregistreurs acoustiques sont positionnés en bordure des étangs afin d’enregistrer les activités sonores des mâles chanteurs pendant plusieurs jours. Beauval Nature effectue ensuite une analyse des fichiers afin d’identifier l’éventuelle apparition de chanteurs sur l’étang.
• En septembre : la saison de reproduction est terminée, il reste encore des juvéniles et des adultes dans les étangs jusqu’à la migration automnale. Il s’agit du dernier moment de l’année pour vérifier la présence de l’espèce et une seconde session de prélèvement d’eau a lieu afin d’avoir une image récente de la localisation de l’EEE.

Quelques caractéristiques sur l’espèce

Originaire des États-Unis, la Grenouille taureau (Lithobates catesbeianus) a initialement été introduite en Gironde en 1968. En 2002, les premiers individus de cette espèce ont été détectés en Sologne. Particulièrement vorace, la Grenouille taureau se nourrit d’amphibiens, oiseaux, insectes, poissons, micromammifères, reptiles, mollusques et crustacés. Elle possède un cycle de reproduction rapide et très productif, pouvant pondre jusqu’à 20 000 œufs par ponte. Ainsi, la Grenouille taureau a bouleversé des écosystèmes en France, proliférant aux dépens d’espèces locales d’amphibiens telles que la Grenouille verte (Pelophylax esculenta), la Salamandre tachetée (Salamandra terrestris) ou le Triton crêté (Triturus cristatus).

Selon l’UICN, environ 40 % des espèces d’amphibiens sont menacés dans le monde. En France métropolitaine et outre-mer, 84 % des 158 espèces d’amphibiens le sont. Comme un grand nombre d’espèces autochtones, les amphibiens de Sologne se raréfient dans leur milieu naturel. De nombreuses causes sont à l’origine de cette raréfaction : dégradation de l’environnement au profit d’infrastructures routières, la conversion de leurs habitats en terres agricoles, usage de pesticides, asséchement des zones humides, comblement des mares… L’introduction d’espèces exotiques est aussi en cause. Par exemple, la Grenouille taureau est un nouveau prédateur pour plusieurs espèces indigènes d’invertébrés, de poissons ou d’amphibiens dont elle se nourrit. De plus, elle entre en compétition avec certains habitants des zones humides car elle consomme leurs proies ou vit dans le même milieu. Enfin, la Grenouille taureau transmet des agents pathogènes. Elle est porteuse saine de ranavirus et de la chytridiomycose. Le ranavirus est un virus touchant principalement les amphibiens et les reptiles. Quant à la chytridiomycose, c’est une maladie infectieuse provoquée par un champignon et responsable de la disparition de nombreux amphibiens à travers le monde. La Grenouille taureau est porteuse saine de ce champignon pathogène, cela sous-entend qu’elle a développé une résistance immunitaire pour ce champignon par co-évolution. Les espèces locales n’ayant pas co-évolué avec ce champignon se retrouvent avec des défenses insuffisantes face à lui et meurent massivement.