Chercheuse en éthologie à l’Institut National de Recherche en Agriculture, Alimentation et Environnement (INRAE) dans l’unité mixte de recherche Physiologie de la reproduction et des comportements (PRC), Aline Bertin a mené une étude sur le rougissement et les émotions des perroquets. Cette étude soutenue par Beauval Nature a été réalisée en partie au ZooParc de Beauval où la chercheuse a pu étudier plusieurs individus.
Une étude sur le rougissement des oiseaux
Les images enregistrées ont permis de montrer que l’oiseau, un ara jaune-et-bleu, rougit et hérisse les plumes de sa tête et de sa nuque lors de l’interaction avec son soigneur.
Ces premiers résultats ont donné lieu à une deuxième étude portant sur le cacatoès à huppe jaune. Ce dernier, contrairement à l’ara, est pourvu de plumes sur les joues. Ce n’est donc pas le rougissement qui peut être analysé mais le mouvement des plumes.
C’est devant un immense amphithéâtre de plus de 3000 places que les oiseaux du spectacle des Maîtres des Airs prennent leur envol pour des sessions de vol libre, d’entraînement ou pour une représentation en public.
La chercheuse d’INRAE (l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) a choisi de se pencher sur les aras bleu et jaune du spectacle car ces derniers ont une réelle relation de confiance avec les soigneurs qui s’occupent d’eux quotidiennement. Cette relation privilégiée permet de réaliser des tests dans un contexte à valence émotionnelle positive pour l’oiseau, c’est-à-dire que ce dernier est dans les meilleures conditions pour réaliser des tests en confiance, en présence d’un soigneur avec lequel il partage une relation privilégiée.
1er test : interaction ara-soigneur
Les tests consistent à placer l’oiseau sur un perchoir, dans une pièce neutre, en présence de son soigneur. Une caméra est placée à proximité afin d’enregistrer toutes les réactions de l’oiseau.
Dans un premier temps, le soigneur interagit avec son animal, sur un ton jugé positif.
Dans un deuxième temps, le soigneur tourne le dos à l’animal et n’interagit plus du tout avec lui.
Les images enregistrées ont permis de montrer que l’oiseau, un ara bleu et jaune, rougit et hérisse les plumes de sa tête et de sa nuque lors de l’interaction avec son soigneur. Les aras possèdent en effet une surface dépourvue de plumes autour de leurs yeux et sur leurs joues, ce qui permet de laisser entrevoir le rougissement de l’animal. En revanche, lorsque son soigneur lui tourne le dos sans interagir avec lui, l’ara retrouve une face neutre, avec des plumes non hérissées et une face blanche aux endroits dépourvus de plumes1.
Un test de séparation-réunion a également été mis au point afin de montrer la potentielle existence d’un lien d’attachement entre les aras et leur soigneur. Lorsque les perroquets sont réunis avec leur soigneur après une brève période d’isolement social, ils rougissent et dressent les plumes de la tête et de la nuque. Il a ainsi été montré des signes d’émotions positives qui s’apparentent à de l’attachement pour la première fois chez un oiseau. En plus du rougissement de la peau et des mouvements de plumes, l’expression de « eye pinning » en présence du soigneur (mouvements rapides de dilatation et contraction de la pupille) a également été observée. Contrairement aux mammifères, les oiseaux disposent de muscles striés qui contrôlent l’ouverture de la pupille. Ils peuvent ainsi produire des mouvements volontaires de la pupille. Inexploré dans la littérature, ce comportement ouvre de nouvelles perspectives de recherches2.
Quels résultats en tirer ?
Les expressions faciales observées chez les aras sont de premiers indicateurs du niveau d’excitation et/ou de la valence émotionnelle ressenti(s) par l’oiseau au moment de l’interaction. Elles pourraient être une première étape pour comprendre l’état affectif des oiseaux à un moment donné et participer à la compréhension du fonctionnement et de la cohésion des groupes sociaux.
2e test : le cacatoès à huppe jaune et le ara bleu et jaune en groupe
Ces premiers résultats ont donné lieu à une deuxième étude portant sur le cacatoès à huppe jaune. Ce dernier, contrairement à l’ara, est pourvu de plumes sur les joues. Ce n’est donc pas le rougissement qui peut être analysé mais le mouvement des plumes.
Le cacatoès est capable de faire bouger indépendamment sa crête, les plumes de ses joues et les plumes de sa nuque. Cette fois-ci, les oiseaux ont été filmés en groupe, sans intervention extérieure, afin de déterminer les moments où les cacatoès présentent un plumage lisse et ceux où ils présentent des plumes dressées.
Dans un contexte à valence émotionnelle positive comme le toilettage, les contacts sociaux positifs ou le repos, il a été observé que le cacatoès à huppe jaune rabat les plumes de ses joues sur son bec et dresse les plumes de sa nuque3.
De même, il a été observé que le ara bleu et jaune dressait les plumes du dessus de la tête et de la nuque dans les mêmes contextes à valence émotionnelle positive1.
3ème test : la caille japonaise dans un environnement non familier
Des lignées de cailles japonaises sélectionnées pour être plus ou moins peureuses ont été placées dans un environnement inconnu (contexte très aversif pour les oiseaux) puis, par l’ouverture d’une paroi, ont eu accès à un substrat permettant de réaliser des bains de poussière dans ce même environnement. L’hypothèse était que s’il existait des indicateurs faciaux d’émotions positives, de plus amples variations dans les mouvements de plumes devraient être observées chez les cailles les moins peureuses (i.e. plus à même d’évaluer positivement leur environnement) que chez les cailles les plus peureuses (i.e. plus à même d’évaluer négativement leur environnement). Lors de la phase d’accès au substrat, un dressement des plumes du dessus de la tête et une dilatation de la pupille ont été observés seulement chez les cailles les moins peureuses4.
« Les résultats que nous avons obtenus ont permis de faire tomber un préjugé important qui existait depuis Charles Darwin, à savoir que seuls les humains sont capables de rougir en fonction de leurs émotions… ». Voici l’une des citations épatantes que vous pouvez retrouver dans le 3e numéro du magazine Beauval Nature paru en juin 2021. C’est toute une interview d’Aline Bertin, chercheuse en éthologie à l’Institut National de Recherche en Agriculture, Alimentation et Environnement (INRAE), que Beauval Nature avait réalisée.
1 Bertin A., Beraud A., Lansade L., Blache M. C., Diot A., Mulot B. & Arnould C. (2018). Facial display and blushing: Means of visual communication in blue-and-yellow macaws (Ara Ararauna)? PloS one, 13(8), e0201762.
2 Bertin A., Mulot B., Nowak R., Blache M. C., Love S., Arnold M., Pinateau A., Arnould C. & Lansade L. (2023). Captive Blue-and-yellow macaws (Ara ararauna) show facial indicators of positive affect when reunited with their caregiver. Behav Process, 206, 104833.
3 Bertin A., Beraud A., Lansade L., Mulot B. & Arnould C. (2020). Bill covering and nape feather ruffling as indicators of calm states in the Sulphur-crested cockatoo (Cacatua galerita). Behav process 178, 104188.
4 Bertin A., Cornilleau F., Lemarchand J., Boissy A., Leterrier C., Nowak R., Calandreau L., Blache M.C, Boivin X., Arnould C. & Lansade L. (2018). Are there facial indicators of positive emotions in birds? A first exploration in Japanese quail. Behav process, 157, 470-473.
L’étude sur les expressions faciales des Psittacidés s’est déroulée au ZooParc de Beauval et au centre INRAE Val de Loire à Nouzilly (37) en collaboration avec C. Arnould.
Quelques caractéristiques sur les Psittacidés
Les Psittacidés sont une famille d’oiseaux exotiques au bec court et crochu et au plumage coloré. Les représentants généralement les plus connus du grand public en France sont les perroquets, les perruches et les cacatoès. Les Psittacidés sont particulièrement intelligents, on compare bien souvent leurs capacités cognitives avec celles des Grands Singes.
Cependant, leur comportement et leurs ressentis ont été beaucoup moins étudiés que chez les primates. De manière générale, les scientifiques détiennent peu de données sur les oiseaux dans des contextes à valence émotionnelle positive.
Pourtant, cette approche pourrait permettre de mieux comprendre leurs besoins et ainsi améliorer leur bien-être, que ce soit en structures zoologiques ou dans leur milieu naturel.
La chercheuse a donc décidé de se pencher sur le sujet en étudiant plusieurs espèces d’oiseaux : l’ara bleu et jaune (Ara ararauna), le cacatoès à huppe jaune (Cacatua galerita) et la caille japonaise (Coturnix japonica). Les 2 premières espèces de l’ordre des Psittaciformes ont été étudiées au sein du ZooParc de Beauval et l’étude du Galliforme (la caille japonaise) a été réalisée a posteriori, en dehors du ZooParc.
Menaces et statut de conservation
L’ara bleu et jaune en « préoccupation mineure »
L’ara jaune et bleu (Ara ararauna) se trouve dans les forêts subtropicales et tropicales, les bois et les savanes d’Amérique du Sud. La dégradation de son habitat due à la pollution, au développement et à l’exploitation forestière affecte les populations. Il est classé en « préoccupation mineure » sur la liste Rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Il ne subsisterait plus de 10 000 individus adultes dans la nature. La tendance de la population est à la baisse mais, heureusement, pas suffisamment pour atteindre un statut de vulnérabilité. Leur durée de vie est de 30 à 35 ans dans la nature, idem en parc zoologique.
Les missions d’INRAE
INRAE, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, est un acteur majeur de la recherche et de l’innovation. L’institut rassemble une communauté de 12 000 personnes, avec 273 unités de recherche, implantées dans 18 centres sur toute la France. Institut de recherche finalisée, il se positionne parmi les tout premiers organismes de recherche au monde en sciences agricoles et alimentaires, en sciences du végétal et de l’animal, et en écologie-environnement. Il est le premier organisme de recherche mondial spécialisé sur l’ensemble « agriculture-alimentation-environnement ».
Les expressions faciales des perroquets
5 infos clés sur le cacatoès à huppe jaune
5 infos clés sur le cacatoès à huppe jaune
Le cacatoès à huppe jaune a une espérance de vie de 80 ans en parcs zoologiques.
Contrairement à l’ara bleu et jaune qui vit en Amérique, le cacatoès à huppe jaune vit en Asie et en Océanie.
Il vit en bande, allant d’une dizaine à une centaine d’individus.
Il peut parcourir plusieurs kilomètres en vol pour chercher de la nourriture.
Comme la plupart des grands Psittacidés, il communique par des cris stridents.
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L’étude sur les Psittacidés, soutenue par Beauval Nature et réalisée au sein du ZooParc de Beauval a été menée par la chercheuse en éthologie Aline Bertin pour INRAE.